Jour 72 - Cee à Fisterra (16 km)
Que dire de cette journée, sinon que c'est l'aboutissement d'un rêve, une expérience extraordinaire que j'ai eu la chance de partager avec une amie qui s'appelle Diane.
Seulement 16 km à parcourir, sans se presser et une magnifique journée. Le sentier monte dans le bois. On est dans une nature riche en conifères, palmiers, eucalyptus et en verdure en général. Il y a de la mousse recouvre les pierres.
De San Roque, beau point de vue. On aperçoit la pointe de Fisterra au loin.
Quelle joie quand on arrive sur la première plage complètement déserte. On prend le temps de faire des photos, ramasser des coquillages mais pas encore de Saint-Jacques. Quel plaisir de voir, de sentir et d'entendre l'océan.
Le paysage n'est pas plat mais ondule. Il y a un mélange de rochers et de végétation. La fin approche et nous sommes seules.
Arrivée sur la grande plage d'A Langosteira, je rejoins Diane. Je me déchausse et je cours me tremper les pieds dans l'océan. Je me sens libre avec le sentiment d'avoir accompli mon rêve.
Diane a trouvé un très beau gros coquillage qui s'ouvre avec les 2 parties attachées et moi une coquille Saint-Jacques plate et un peu usée par l'eau mais magnifique. Voilà mission accomplie! J'ai trouvé la coquille que je ramène avec moi, symbole que j'ai complété mon pèlerinage et qui protégera notre maison à Ashu et à moi.
On rencontre un autre pèlerin avec le même sourire radieux que nous. Il fait soleil et nous sommes tous heureux. Je continue à marcher pieds nus dans le sable. Mes pieds sont libres et joyeux. Diane finit par se déchausser également et goûte à l'océan.
En entrant à Fisterra, on passe devant la Cruz de Baixar, puis devant la statue de Jacquot. Oui, c'est peut-être un peu familier mais c'est comme cela qu'on a fini par l'appeler au fil des kms. A force de marcher en allant vers lui, de chercher toutes ses statues, il a fini par faire partie de notre quotidien et devenir notre compagnon de route.
Les 3 derniers kilomètres de montée le long de la route pour se rendre jusqu'au phare semblent interminables. On rencontre des pèlerins en sens inverse et qui sont encore tout émus de leur expérience.
Quel beau moment quand on se retrouve devant la borne km zéro avec la vue sur l'océan, les rochers et le phare. Il vente fort et cela donne encore plus de force à ce moment magique et unique. Nous sommes au cap du bout du monde et j'ai enfin le sentiment d'être arrivée, d'avoir complété mon pèlerinage. Cela n'aurait pas pu être plus beau.
On voit le pilonne ou les pèlerins ont accroché quelque chose. Parmi toutes ces chaussures se trouvent celles d'Annick. Nous ne laissons rien car nous n'avons déjà que l'essentiel et même si mes bottes sont usées jusqu'à la corde, j'en ai encore besoin pour rentrer au Canada.
Il ne nous reste plus beaucoup de temps, alors on redescend et on rencontre les compagnons Français et Québécois en chemin. Nous allons vite chercher notre dernière accréditation: la ''Fisterra'' à l'albergue municipale. On aura juste le temps de manger un sandwich avant d'embarquer dans l'autobus qui nous ramènera à Santiago. Je n'ai tellement plus l'habitude des transports que j'aurai la nausée et le mal d'auto tout le long.
Après 72 jours sur le Chemin de Compostelle dont 70 jours de marche et seulement 2 jours de repos, Diane et moi avons parcouru 1600 km. Nous avons assisté à au moins 26 messes et bénédictions. Nous avons traversé des montagnes, des plateaux, des zones planes à l'infini, jusqu'à l'océan atlantique.
Nous avons dormi dans des gîtes privés, gîtes municipaux, gîtes paroissiaux, gîtes chrétiens, camping et auberge de jeunesse. La diversité des hébergements comprenait: chambre d'hôte à la ferme, chambre dans un ancien pigeonnier, dortoir dans une grange, lit dans des dortoirs de 6 à 100 lits, matelas au sol dans une annexe d'église, chambre individuelle dans un couvent et monastère, dortoir dans une abbatiale et une collégiale. Mais nous n'avons jamais dormi à l'hôtel ni dans un château.
Côté bouffe, on a goûté à toutes les spécialités locales mais surtout on a mangé du pain, encore du pain, toujours du pain, mais aussi beaucoup de fromage, d'omelettes, de chocolatines ou napolitana, beaucoup de flans, bu beaucoup d'eau mais aussi pas mal de vin, sans oublier les oranginas et les succulents jus d'orange frais. En fait, on ne s'est privé de rien!
Sur 72 jours, nous avons eu moins d'une semaine de pluie, la majorité du temps du gros beau soleil. Et physiquement, j'ai seulement eu quelques petits bobos: un rhume, quelques ampoules, perdu un ongle, 2 ongles noirs, quelques irruptions cutanées, piqûres de moustiques, d'insectes non identifiés et de plantes non identifiées non plus. Diane n'a eu qu'un rhume, une mini ampoule et des douleurs au genou.
Ce que l'on a oublié ou perdu en chemin: moi une veste coupe-vent dans une chambre du pays basque, Diane: un téléphone cellulaire et un appareil photo anéantis par un gros orage d'Espagne et une petite culotte sur un fil d'étandage en Espagne!
Enfin, ce que l'on a trouvé en chemin: des paysages magnifiques, des villages pittoresques mais tous avec leur propre charme, une nature belle, harmonieuse et généreuse, de belles rencontres avec des gens de tous horizons, de toutes nationalités, de tous âges, toujours prêts à s'entraider, un esprit de fraternité et enfin la rencontre avec les hospitaliers, ces personnes si généreuses qui nous ont accueilli alors qu'on était sale, fatigué, parfois marabout mais qui étaient là pour nous offrir un lit, un repas, mettre du baume dans nos cœurs, donner un sens à notre démarche et nous insuffler l'énergie nécessaire pour continuer.