Comme 4 mois se sont écoulés depuis que j'ai terminé mon chemin de Compostelle, je ne pouvais pas ne pas parler de l'après Camino. Pour décrire mon expérience, je la décomposerai en 3 phases:
1. Le retour au quotidien et les habitudes à perdre
D'abord c'est la période ''zen'' et aussi un peu euphorique, ou plus rien ne me dérange et je me sens remplie d'une joie de vivre sans limite. Je fais plusieurs kms à pieds juste pour faire des courses ou pour le plaisir de marcher. Bien sur, il a fallu quand même me réadapter au quotidien et il y a eu quelques habitudes à perdre, dont voici le top 10:
- Dire ''Bonjour'' et ''Buen Camino'' à tous les gens que je croise
- Parler à tous les inconnus dans la rue
- Sourire béatement à tout moment
- Chercher des flèches jaunes ou des symboles de coquille St-Jacques quand je me promène en ville ou à la campagne
- Chercher le menu du pèlerin quand je suis au restaurant
- Faire des réserves de papier toilette à chaque fois que je visite les toilettes d'un restaurant ou d'un bar
- Repérer dehors les meilleurs coins cachettes pour faire pipi
- Dormir avec des bouchons
- Lever le bras pour vérifier si je pue la transpiration
- Sentir mes vêtements avant de décider si je les lave ou pas.
Passée cette étape qui ne dure pas très longtemps, le quotidien, les obligations familiales et professionnelles me rattrapent. C'est là que débute ma 2e phase, celle de déprime post-Camino.
2. La déprime post-Camino
Je trouve que tout va trop vite. Je n'ai plus le temps de voir le temps passer. À ce stade-ci, je remets tout en question.
Je me lève le matin et je réalise que je n'ai plus l'enthousiasme et la joie de vivre que j'avais sur le Chemin. Je me demande ce que je fou dans un bureau, assise derrière un ordinateur. Quelle est l'importance de ce que je fais? Je cherche une motivation.
Je me demande aussi pourquoi j'ai fait le Chemin de Compostelle. Qu'est-ce que cette longue marche m'a apporté?
Comme j'ai la chance de travailler pas loin de Diane, je peux en parler avec elle et je me sens comprise. J'ai aussi l'occasion de partager mon expérience en faisant quelques présentations et en rencontrant plusieurs pèlerins. Je revis et digère mon Chemin en complétant mon blog et en faisant le tri de mes photos.
3. Le chemin continue à vivre
J'aimerais partager les commentaires que j'ai reçus de certains qui ont fait Compostelle. Amis pèlerins, vous vous reconnaîtrez certainement.
une expérience unique, dont on revient ... mais lentement, et avec le secret espoir que ça recommence, autrement et ailleurs, mais que ça recommence.
J'ai dû attaper le virus du camino, je repars (...)
Que restera-t’il de ces 2 mois dans quelques mois ?
Une envie d’y retourner comme un éternel retour comme certains que j’ai rencontrés?
Une impression valeureuse presque chevaleresque d’avoir bravé vaillamment les épreuves et d’en raconter les aventures à un public conquis?
Une ascèse de la vie qui, tout en s’allégeant au fur et à mesure du chemin, n’en est pas moins épicurienne.?
Le voyage est un retour vers l'essentiel dit un proverbe tibétain
Pour ma part, je trouve que la normalité me reprend vite dans le sprint du quotidien.
Est- ce que 2 mois c'est différent de 3 semaines...?
Je crois que le temps décantera beaucoup et amalgamera les conversations anodines qui ne prendront de sens que mises bout-à-bout. Je compare votre marche à un long processus de décantation et de fomentation pour faire un bon vin. Plusieurs choses doivent se nettoyer pour pouvoir se construire de nouveau.
On entend souvent dire qu'on ne revient jamais complètement de Compostelle, qu'on en revient transformé, qu'on a toujours une envie de repartir, etc.
Une fois passée la déprime, je commence à réaliser les impacts du Camino dans ma vie. Les transformations sont parfois subtiles mais elles sont là. Il y a tout ce que cette expérience m'a apportée: peut-être un peu plus de sagesse, une plus grande connaissance de moi, de mes forces et de mes faiblesses, plus d'appréciation pour la vie, une plus grande foi, une plus grande conscience de l'harmonie et de la beauté qui se trouve dans toute chose, une conviction profonde que la solitude n'existe pas et que nous faisons partie d'un tout. La liste pourrait être beaucoup plus longue. En fait, elle continue à grandir.
Oui, j'ai réalisé que le Chemin ne se termine pas à Santiago. Il continue à vivre, même après. Maintenant, il s'agit de mettre en pratique au quotidien ce que j'ai appris. Contrairement à beaucoup, je n'ai pas pour l'instant l'envie de repartir sur l'un des nombreux Chemins de Compostelle. Cela viendra peut-être dans quelques mois ou quelques années. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai marché suffisamment longtemps mais mon pèlerinage m'a tout à fait comblé. J'ai eu une phase de rodage en France durant laquelle j'ai du parfois faire face à des émotions surgies du passé. Ensuite, j'ai connu une période ou tout allait bien. Puis, j'ai du faire face à certains de mes démons. En Espagne, j'ai aussi connu une phase de libération et de pur bonheur. Finalement avec la phase bonus de Fisterra, j'ai connu la liberté totale.
Je n'arrêterai pas de marcher, car la randonnée fait partie de ma vie. Pour le moment ce sera ailleurs car j'ai encore tellement de coins du monde à découvrir.
Merci à vous toutes et tous qui avaient pris le temps de me lire.
Ultreïa! E sus eia!