Il y a plusieurs possibilités pour visiter ce groupe de temples. C'est un peu comme si on dessinait un triangle mais avec un trait double sur un côté. Après avoir tergiversé et changé d'idée plusieurs fois, on continue à suivre l'ordre numérique des temples.
Dans beaucoup de petites villes de Shikoku, on marche dans la rue et soudainement elle devient une rue couverte avec des commerces pour la plupart fermés. La laideur des bâtiments et le style kitsch des lampadaires rappellent une époque pas si lointaine ou ce devait être le centre névralgique de la ville. Il fût une époque ou ce lieu devait être le symbole de la modernité et de la société de consommation. Il fût une époque ou les gens sortaient juste pour faire du lèche-vitrine (je sais de quoi je parle car j'ai vécu cela). Je peux donc imaginer que ce genre de rue a connu ses heures de gloire.
Aujourd'hui que reste t'il? Des rues presque fantômes qui respirent la désolation. Presque la totalité des commerces sont fermés. Au début, on pensait que c'était parce qu'on était un jour férié ou bien trop tôt ou trop tard. Finalement, on a compris en discutant avec des gens, que le commerce était mort. Il a été tué par Amazone et l'achat en ligne. Il sera un temps ou peut-être on préservera ce genre de rue, juste comme un vestige pour montrer aux nouvelles générations comment on vivait dans la 2e moitié du 20e siècle. J'imagine qu'ils trouveront cela bien bizarre: on rentrait dans un magasin et on se faisait servir par une vraie personne, qui nous faisait même un bel emballage papier, puis un autre emballage dans un sac de plastique. Pour ça, les Japonais sont les rois de l'emballage. Tant pis pour l'environnement! Mais on a du service!
Ancienne rue commerciale
Parfois, on passe devant des temples secondaires. Il nous est même arrivé de croire que nous étions à l'un des 88 temples, alors qu'en fait ce n'en était pas un. Par contre, on a failli manquer le bureau des étampes du temple 79, tellement il était caché et insignifiant. Heureusement qu'il y avait un couple de henro à qui j'ai demandé si on était bien au temple 79. Ashu avait déjà quitté.
Le temple 80 devait être à 6.8 km mais on s'est trompé dans les indications et il n'y a plus eu de flèches rouges. On a du faire 2 km de trop! Juste avant d'arriver au temple, on est accueilli par des bénévoles avec des tables et un endroit pour faire une halte. Ils nous offrent du thé et des biscuits mais aussi une banane au temple.
Charmant accueil par des bénévoles
Temple 80 et pause bien méritée
Alors qu'on marche sur le très beau sentier Henro-Koragashi, on rencontre William de Sherbrooke, le seul Québécois de tout notre pélèrinage. Lui, redescend car il a choisi de faire le 79, 81, 82 et 80, ce qui semble être le circuit préféré des henro rencontrés.
À partir du Sanuki Henro Trail (entre 300 et 400 m d'altitude), on aura droit à de la pluie et du brouillard. On décide de laisser le sac d'Ashu au milieu du sentier, car de toute façon, on doit revenir sur nos pas. Et c'est là qu'on retrouve Shoji Oikado, le henro fumeur qu'on avait connu vers le temple 12. Quelle surprise de le voir là! Il termine au temple 88 et semble avoir hâte d'y arriver. C'est son premier pèelerinage sur Shikoku.
On fait une nouvelle rencontre, celle de Masaru Masui, un petit homme de 72 ans mais qui porte tout un sac, aussi lourd voir plus, que celui d'Ashu. Il pleut, on récupère notre sac, on fait une pause très appréciée dans un restaurant udon. Masaru semble avoir décidé de marcher avec nous ainsi que de dormir au même endroit que nous. Cela nous permet aussi de faire avec lui pour la première fois le rituel complet au temple 82, c'est à dire incluant la bougie et les bâtons d'encens. Mais il ne récite pas toutes les prières.
On soupe tous les trois ensemble. Masaru transporte même du whisky dans son sac! Et on a un point en commun. Lui aussi se met du ''tape'' sur les pieds. Sa technique est encore plus élaborée que la mienne.
Heureusement, on a non seulement un mais deux super hébergements ''tsuyado'' construit par des particuliers, bien au sec pour cette nuit. Il y a une hutte pour les hommes et une autre pour les femmes. Ce soir je dors toute seule et n'entendrai pas les ronflements des hommes!