Dans moins de deux semaines, Diane et moi entamerons une longue randonnée de 12 jours, environ 170 km, sur une section du Sentier International des Appalaches (SIA), soit la partie sud de la Gaspésie. Nous partirons du village de Matapédia, juste à côté du Nouveau-Brunswick ou nous ne sommes plus les bienvenus depuis la pandémie de la COVID 19. Les terres sur lesquelles nous allons marcher font partie du territoire traditionnel des micmacs (Mi'kmaq). D'ailleurs, beaucoup de noms sur notre parcours viennent de mots micmac. Le nom de Matapédia vient du mot micmac ''matapediag'' qui signifie ''jonction de rivières''. C'est ici que la rivière Matapédia et la rivière Restigouche se rencontrent.
Le Sentier International des Appalaches (SIA) c’est plus de 650 km de sentiers en Gaspésie qui commencent à Matapédia jusqu'au parc national Forillon. C’est aussi le GR A1, homologué en 2015 par la Fédération Française de la Randonnée Pédestre, premier itinéraire de Grande Randonnée (GR®) en Amérique du Nord.
Il y a 2 ans, j'ai fait une brève incursion sur ce sentier pour une fin de semaine d'initiation à la longue randonnée organisée par le SIA dont je parle dans cet article. C'était dans la section de la réserve faunique de Matane. Depuis ce temps-là l'idée de faire le SIA au complet a muri mais je ne me sentais pas d'attaque pour l'entreprendre seule car on traverse des sections isolées et difficiles. Finalement, cet hiver après avoir complété le Rideau Trail End-to-End, j'ai étudié les cartes et c'est là que j'ai pris la décision plutôt que de le faire au complet de commencer par en faire une section, soit un peu moins du tiers. J'ai proposé le projet à Diane, qui une fois de plus a accepté d'embarquer dans l'aventure.
Puis, le CORONA virus est arrivé. Du jour au lendemain, on se retrouve confiné et à faire du télétravail. On doit annuler un voyage prévu à Ste-Lucie. Pendant 2 mois, je ne vois plus personne. La déprime des premières semaines laisse place à une nouvelle routine: yoga, télétravail et marches dans mon quartier. Toutes mes activités et mes projets de voyage tombent à l'eau sauf un: celui du SIA. Tout au long du confinement, alors que tout ce qui est non essentiel est fermé, même les frontières entre l'Ontario et le Québec, Diane et moi on garde espoir et on se prépare pour notre projet de longue randonnée. Aujourd'hui, je peux vous avouer que c'est ce qui m'a grandement aidé à passer au travers du confinement.
Alors voilà, on s'est mise toutes les deux à expérimenter la déshydratation des aliments. Diane a pris cela très au sérieux. Elle a emprunté le deshydrateur à nos amis Janice et David, s'est procurée un livre de recettes pour la longue randonnée et elle a testé des dizaines de recettes, des plats qu'elle a ensuite deshydratés, réhydratés et dégustés pour choisir ses recettes préférées. Elle s'est découvert un nouveau hobby et est devenue une vraie pro de la deshydratation. Alors que moi, de mon côté, j'ai d'abord essayé de deshydrater dans mon four mais la température ne peut pas se baisser à moins de 170 degrés, le résultat n'était pas optimal. J'ai fini par utiliser mon petit four grille-pain qui peut aller à 150 degrés. Vive le télétravail qui m'a permis de pratiquer la deshydratation car je mettais mes aliments a 6h le matin et des fois jusqu'à 21h le soir. Étant donné la petite taille du four, il m'a fallu parfois 3 jours pour deshydrater un seul repas.
Durant le confinement, chacune dans notre quartier, nous nous sommes pratiquées à marcher d'abord sans puis avec le sac à dos. Grâce au confinement j'ai découvert mon quartier. J'ai été surprise de rencontrer des chevreuils, des renards et même un coyotte. Diane a suscité la curiosité des gens de son quartier dont plusieurs qui l'ont interpellé pour savoir pourquoi elle marchait avec un si gros sac. L'idée c'était d'augmenter progressivement la charge pour porter 30 livres afin le jour venu d'être confortable avec un sac d'environ 25 livres. C'est ce dont nous pensons avoir besoin pour une autonomie de 6 jours de marche. Diane est tout à fait prête alors que moi je n'ai pas pu suivre le plan de match. J'ai du ralentir la cadence à cause de petits soucis à mon dos. Heureusement après le déconfinement j'ai pu consulter un bon massothérapeute. Donc, physiquement, je ne suis pas au top et je m'attends à en arracher un peu plus dans les premiers jours mais je vais y aller à mon rythme et tout devrait bien aller.
Après le déconfinement, on a enfin pu recommencer à marcher ensemble dans le parc de la Gatineau. Le moral était au beau fixe.
J'ai pratiqué ma technique pour les selfies avec distantiation sociale durant nos pratiques de marche
Quelques annectodes durant nos pratiques de marche qui nous permettaient de tester notre matériel: Diane est devenue la spécialiste pour égarer son équipement sur les sentiers. Lors de notre marche sur le chemin de la route des Zingues, elle réalise qu'elle n'a plus son sac de couchage tout neuf qu'elle avait accroché à l'extérieur en bas de son sac à dos. Heureusement, elle le retrouvera. Une autre journée, on se donne rendez-vous pour marcher jusqu'à la tour à feu. Quand j'arrive au point de départ, je réalise que j'ai oublié mes bottes de randonnée. Pas question de faire la marche avec mes gougounes. Je retourne chez nous les chercher et Diane fait donc la marche toute seule. Cette fois-ci, elle réalise une fois qu'elle a terminé qu'elle a perdu sa bouteille avec son filtre à eau. Heureusement, elle a une petite idée d'ou elle a pu la perdre. Elle y retourne sans le sac et retrouve la bouteille.
La morale de ces annecdotes c'est qui'il faut toujours vérifier son équipement avant de partir et surtout ne rien laisser accroché à l'extérieur du sac. J'espère qu'on va s'en rappeler quand on sera sur le SIA et qu'on ne perdra rien en chemin.
Un dimanche lors d'une pratique de marche dans le parc de la Gatineau, on croise une dame qui nous dit en blaguant: ''est-ce que vous vous en allez camper au lac Philippe comme cela?''. Il n'en fallait pas plus pour m'inspirer et tout d'un coup l'idée d'une dernière pratique avant le départ vient de germer. Comment se fait-il que je n'y ai pas pensé avant? J'étudie la carte et je propose donc à Diane de faire 2 jours de rando-camping en stationnant l'auto au P17, on peut faire une boucle de 22 km, donc 11 km par jour et dormir un nuit au camping du lac Philippe.
J'ai jamais eu l'idée d'aller camper dans le parc de la Gatineau car je fais partie de ceux qui sont toujours tenté d'aller plus loin pour découvrir ce qu'il y a ailleurs. Une autre leçon apprise de la COVID, c'est de consommer local, non seulement pour nos achats de nourriture mais pour nos activités de loisir. Comme un campeur de Gatineau nous a dit: Après tout, ce qu'on recherche en camping c'est un lac, une plage, la forêt et les commodités pour camper, surtout quand on est avec de jeunes enfants. Et là tout y est. Il est tout content car on vient de lui donner une nouvelle idée d'activité pour sa jeune famille quand ses enfants seront un peu plus grands. Et voilà qu'on vient de partir une chaîne qu'on pourrait intituler ''inspirer le suivant''.
22 km de rando-camping sur 2 jours avec une tonne de moustiques
J'espère franchement qu'on pourra inspirer d'autres personnes à faire de la randonnée-camping dans le parc de la Gatineau car pour l'instant, on peut dire que Diane et moi étions des marginales. Tout est prévu pour les campeurs qui viennent en auto. Il y a bien cette affiche qui souhaite la bienvenue aux vélos mais rien pour les marcheurs. Et puis il y a cette autre affiche qui nous avise de faire attention aux ratons-laveurs et de toujours laisser la nourriture dans l'auto. Alors on fait comment en rando-camping? Et bien je pratique la technique que m'avait montré Renée-Claude pour accrocher nos sacs de bouffe entre 2 arbres. Ok j'ai pas réussi à les mettre assez haut pour qu'ils soient hors de portée d'un ours mais c'est suffisant pour l'énorme raton-laveur que Diane verra traverser la tente cuisine de nos voisines de camping. Je suis quand même fière de moi car on a retrouvé nos sacs intacts le lendemain matin alors que le raton-laveur est revenu en pleine nuit.
Le test de la cuisine au camping
Ceux qui comme moi aiment l'aventure le savent, les préparatifs sont autant de moments de plaisir et d'excitation que l'aventure en soi. Cela fait des semaines qu'on y allait une étape à la fois et que petit à petit notre projet prenait forme. Comme il s'agit d'une longue randonnée en quasi autonomie, il fallait penser à tout en terme de bouffe et de transport.
Alors en bref, voici un aperçu de ce à quoi cela va ressembler:
- 2 jours d'auto avec une nuit à l'AJ de Rivière-au-Loup à l'aller et une nuit à Québec chez une amie à Diane au retour
- Service de navette de notre point d'arrivée (St-Vianney) à notre point de départ (Matapédia) (150$ + taxes)
- 12 jours de marche (entre 10 et 20 km par jour)
- 13 nuits en refuge ou abri Lean-to ($282 + taxes tous réservés d'avance) donc pas de tente
- Envoi de colis de ravitaillement à mi-parcours en poste restante à Causapscal
- Possibilité de douche à 3 endroits durant la longue randonnée (mais seulement à partir de la 6e journée!)
- Possibilité de faire une épicerie et de souper dans une cantine à Causapscal (j'ai déjà prévu d'aller manger à la Poutine du bonheur :-) et à Amqui
- Approvisionnement en eau dans les cours d'eau (filtre à eau pour Diane et pastilles pour purifier l'eau)
Nos boîtes de ravitaillement sont parties le 6 juillet. Celle de Diane est arrivée. La mienne je ne sais pas. J'ai eu un drôle de message: ''un avis a été laissé''. Donc pour l'instant, j'ai seulement pour garantie d'avoir un rouleau de papier de toilette car ça ne rentrait pas dans ma boîte alors c'est Diane qui l'a mis dans la sienne.
Préparation et expédition des boîtes de ravitaillement
À quoi m’attendre durant ces 12 jours de randonnée? Je ne veux pas trop en savoir d’avance. En mars, nous avons rencontré Anne qui l’a fait au complet avec sa fille l’an dernier. La section que nous allons marcher n’est pas la plus difficile mais nous aurons quand même des défis, entre autre une rivière à traverser 8 fois dans la même journée avec l'aide d'un cable par endroit.
Nous allons traverser les secteurs d’Avignon et de la vallée de la Matapédia. Selon le site du SIA, ce qui nous attend c’est un décor de rivières et de montagnes, une variété de paysages, écosystèmes forestiers, vallées profondes et points de vues à flancs de montagne; le canyon Clark Nord, un canyon luxuriant et impressionnant. On va longer les contreforts de la rivière Assemetquagan où il y a des saumons; parfois de vieux sentiers de gardes forestiers, d’anciennes pistes d’orignaux, des chemins forestiers abandonnés ainsi que les routes secondaires de six municipalités (Sainte-Marguerite, Causapscal, Saint-Alexandre-des-Lacs, Lac-au-Saumon, Amqui et Saint-Vianney).
Pour conclure, je tiens à dire que l'équipe qui gère le SIA est absolument extraordinaire, entre autre Isabelle est tout à fait dévouée et toujours prête à répondre à nos questions. Je les remercie ainsi que les bénévoles qui entretiennent le sentier. Sans vous tous, je ne pourrais pas envisager une telle aventure.
Je ne publierai pas d'autres articles avant mon retour car je n'aurai pas accès à internet et je veux économiser mes batteries pour prendre des photos. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques semaines pour connaître la suite...