Quand je regarde la carte papier des États-Unis, sur laquelle j'ai tracé au marqueur rose le trajet des 15 650 km que nous avons parcourus, je n'en reviens pas de la distance. Nous avons roulé sur la moitié du pays avec ma petite auto électrique, une Chevrolet BOLT 2017, que j'ai surnommé la petiote durant le voyage. Je savais que c'était un long voyage mais quand tu roules, un jour à la fois, tu ne réalises pas vraiment ce que cela représente.
Notre road trip en chiffres:
- 15 651 km en 78 jours de voyage
- 3 fuseaux horaires
- 2 provinces canadiennes : Québec et Ontario et 14 états américains traversés: Michigan, Wisconsin, Minnesota, South Dakota, Wyoming, Idaho, Oregon, Californie, Arizona, Utah, Colorado, Nebraska, Iowa, Illinois, Michigan
- 11 compagnies différentes de recharge utilisées dont 6 avec applications téléchargées sur la tablette, 2 avec des cartes et quelques bornes nouvellement installées ou de niveau 2 gratuites utilisées comme par exemple les bornes Rivian dans le parc de Yosemite.
- 47 nuits en tente
- 31 nuits dans l'auto dont au moins 6 dans un stationnement de Walmart
Le but de notre aventure n'était pas de faire un road trip classique défini par ''voyage d'agrément effectué sur les routes'' selon Wikipedia, mais bien de visiter les plus beaux parcs nationaux de l'Ouest américain ainsi que de faire de la longue randonnée et, nous avons utilisé ma BOLT comme moyen de locomotion mais aussi comme alternative au camping pour dormir.
On a choisi de faire ce voyage en adoptant un mode de vie minimaliste. Nous n'avions ni GPS, ni téléphone mobile avec carte SIM fonctionnelle aux USA, ni accès à internet dans l'auto. Par contre, j'avais une tablette qui me permettait d'avoir accès à internet quand on s'arrêtait dans un Walmart, MacDonald ou autre établissement avec une connection Wifi.
La petiote en harmonie avec le paysage oranger de l'Utah, ici devant la Tour de Babel, Arches National Park
Franchement, elle m'a épâté la petiote! On n'a eu aucun problème mécanique ou électrique. Elle a assuré tout le long malgré les longues journées qui parfois se sont prolongées jusqu'à minuit, bien qu'en général on s'arrêtait avant la tombée du jour pour trouver notre endroit où dormir. En moyenne, on avait prévu autour de 700 km maximum par jour à cause des recharges mais il est arrivé qu'on roule moins lorsqu'on était arrivé à destination ou plus pour des raisons de logistique (trouver une borne de recharge), parce qu'on a du faire des détours ou qu'on s'est égaré. Et oui c'est arrivé quelques fois, surtout au début car il faut savoir qu'on n'avait pas de GPS.
Je trouve qu'elle a fière allure malgré sa petite taille. En effet, il faut se le dire, la plupart des véhicules qu'on croisait sur les routes étaient énormes à côté d'elle: surtout de gros VUS ou des pickups, sans parler des gros camions qui nous dépassaient tous sur l'autoroute car on maintenait une vitesse de croisière à 99 km/h pour que la petiote soit le moins énergivore possible.
Avant le départ - Aménagement pour dormir dans la BOLT
Un des défis rencontré était le rangement dans l'auto. On avait apporté le strict minimum mais on avait quand même 3 barils avec de la nourriture déshydratée et sèche pour l'équivalent de 20 jours de randonnée, 2 contenants de 3 litres pour l'eau, 2 boîtes à ours pour stocker nos aliments durant la longue randonnée, une tente et de quoi cuisiner en camping, une mini table et sièges pliants, nos sacs à dos et vêtements judicieusement sélectionnés pour la randonnée et la route, nos bottes et souliers de marche. On avait aussi emporté une toilette et une douche portatives qui finalement n'auront jamais servi. Avec la plateforme pour dormir, à chaque fois, il fallait:
- Avancer et pencher les 2 sièges avant le plus possible.
- Déplacer les sacs à dos, sacs d'épiceries et glacière pour les mettre sur les sièges avant ou au sol.
- Détacher les pattes avant de la plateforme pour faire le lit.
Et le matin, on redéfaisait le tout pour pouvoir repartir.
Étant donné qu'on n'avait pas de frigo et que la température pouvait grimper jusqu'à 42 degrés celcius, on devait s'organiser pour ne pas trop acheter de nourriture fraîche afin de ne pas la gaspiller. Du coup, avec le temps et la pratique, cela devient notre nouvelle routine et on est de plus en plus efficace. J'ai quand même perdu quelques fruits et légumes en plus d'avoir retrouvé ma tablette de chocolat liquéfiée car trop exposés au soleil. Puis, je me suis organisée un petit garde-manger en dessous de la plate-forme qui était à l'ombre pour mes bananes, tomates, avocats, fromage et chocolat.
Mais parlons des bornes de recharge! N'ayant que peu d'expérience des bornes de recharge aux USA, je m'étais informée avant de partir via les réseaux sociaux et des groupes de voyageurs en VE. Avec le recul, je réalise que j'ai fait preuve d'un peu de naïveté et que j'aurais pu faire plus de recherche pour mieux planifier et être mieux préparés mais on commençait à manquer de temps pour tout faire et être prêt à temps pour le grand départ.
Je ne veux pas rebuter les futurs acheteurs de VE mais pour être honnête, il faut savoir que ce n'est pas encore simple de voyager en VE quand on veut faire un long trajet. Cela demande plus de planification et un apprentissage car on réalise vite qu'on est encore marginal. Le réseau VE se développe mais il y a de grosses disparités d'un État à l'autre, d'une compagnie de recharge à l'autre et parfois même d'une borne à l'autre.
J'ai donc utilisé l'application ABRP pour planifier le trajet au complet avec les distances par jour, les villes & bornes ou recharger, le temps pour rouler et le temps pour recharger (qui s'est avéré très en-dessous de la réalité pour un VE comme la BOLT plus lent à recharger) et ensuite exporter l'information sous forme de tableau Excel. À partir de cette information, nous avons identifié via l'application RvParky les meilleurs endroits pour dormir. Ensuite, nous avons transposé l'information sur nos cartes routières papier. Et oui, vous avez bien lu: des cartes routières papier! Qui utilise encore cela de nos jours à part nous? Et bien, vous l'aurez compris, nous sommes d'une autre génération qui avons connu et aimons toujours les cartes papiers. Elles s'avèreront un outil très utile tout au long de notre périple.
Je me servais aussi de l'application Plugshare pour trouver les bornes et savoir si elles étaient libres et surtout fonctionnelles. En plus, avant de partir j'avais téléchargé sur ma tablette les applications des principales compagnies de bornes de recharge, dont Ivy pour l'Ontario et Electrify America, Charge Point, EV Connect, Shell, etc. pour les USA. J'avais aussi quelques cartes pour recharger sans application. Bref, pour faire une histoire courte, il n'y avait rien de standard. La majorité des bornes facturent un prix au KW mais on s'est fait avoir une ou 2 fois avec un prix à l'heure, beaucoup moins avantageux pour nous. C'était souvent un défi pour voir le prix car mal indiqué sur les bornes. Vous l'aurez compris: les prix peuvent varier de beaucoup de 0,42 CAD$ / KW (Michigan, Wisconsin, South Dakota) jusqu’à 0,92 CAD$ / KW (payé une fois en Californie, de loin l'État avec le plus de bornes mais parfois avec des tarifs plus chers).
Les bornes ne sont pas toujours faciles à trouver. On dirait toujours qu'ils les cachent dans le fin fond d'un stationnement. On ne peut pas toujours se fier aux applications qui parfois nous ont donné une adresse erronée. On a eu aussi droit à des bornes non fonctionnelles, alors là il faut continuer à rouler jusqu'à la prochaine borne qui peut être éloignée.
On a presque toujours utilisé les applications téléchargées pour se connecter aux bornes et payer la recharge. Parfois, on a payé aussi directement à la borne avec une carte de crédit. On a fini par privilégier les recharges de la compagnie Electrify America car en prenant un abonnement de 7 US$/mois on avait un tarif préférentiel qui les rendaient souvent moins chères que ses concurrents. De plus, elles étaient la plupart du temps mieux situées, comme par exemple dans les stationnements des Walmart et plus nombreuses (généralement il y avait au moins 6 bornes). Ce n'est arrivé qu'une seule fois dans tout notre voyage que nous ayons à attendre qu'une borne se libère pour recharger. Pratiquement toutes les recharges sont très rapides: entre 150 et 300 KW mais pour nous cela ne faisait aucune différence car la BOLT rechargeait toujours très lentement. Il faut juste s'organiser en conséquence.
Le défi des bornes de recharge
En résumé, on a presque toujours réussi à se débrouiller pour recharger l’auto et même à trouver du réseau wifi pour avoir accès aux applications. Je me promenais dans le stationnement avec ma tablette pour voir si il y avait du réseau quelque part et quand j’en trouvais, je me connectais à l’application de recharge et faisais signe à Denis de loin pour qu’il branche l’auto. Sinon, on a eu la chance d’avoir affaire à des personnes qui nous ont partagé leur connection internet pour qu’on puisse démarrer la recharge.
Pour gagner du temps, on essayait de faire coïncider temps de recharge avec les pauses déjeuner, dîner et souper. Malheureusement, les compagnies n’ont pas encore compris cela et il est très rare de trouver un espace aménagé et ombragé proche des bornes pour manger.
Alors du coup on s’est organisé pour pique-niquer dans les stationnements. Quand on rechargeait dans un Walmart on en profitait aussi pour faire notre épicerie. Moi, qui ne vais presque jamais dans un Walmart au Québec, c’est devenu mon magasin préféré durant le road trip, puisqu’on y dormait aussi quand c’était permis.
Toujours prête à pique-niquer dans un stationnement pour optimiser le temps de recharge!
Ne pas dormir dans un lit pendant 78 jours ne m’a pas manqué. Par contre ce qui m’a manqué le plus ce sont les douches jusqu’à ce que je découvre les douches des truck stops. Nous avons dormi majoritairement dans la tente en camping sauvage ou peu aménagé (47 nuits) et 31 nuits dans l’auto que ce soit dans des stationnements de Walmart, des aires de repos au bord des autoroutes, au bord de chemins de terre dans des forêts nationales, dans des stationnements de truck stops et même une fois dans le stationnement d’un cimetière. On s’arrangeait pour choisir des lieux où il n’y avait pas de panneaux interdit de camper ou interdit de stationner la nuit.
Nous n’avons jamais été dérangé sauf une fois quand on s’est fait réveiller au milieu de la nuit par une policière alors qu’on était le seul véhicule du stationnement. Après nous avoir posé quelques questions, elle s’est excusée de nous avoir réveillé et nous a dit de continuer à dormir.
On finit par s’habituer à vivre sur la route. Parfois je me sentais presque comme une itinérante ou comme une camionneuse.
Le défi de trouver un endroit pour dormir dans l'auto ou dans la tente
Sur le chemin du retour, alors que l'on repasse par la même Route 395 qu'on avait fait en stop pour rejoindre le début du sentier de la John Muir Trail, je me rappelle les souvenirs de Bishop, Independence et Lone Pine. Puis, on rejoint la Hwy 40 à Barstow. On est encore en Californie et je découvre les nombreux panneaux qui nous indiquent que nous sommes proche de l'ancienne Route #66. Excusez mon ignorance, mais je ne savais même pas pourquoi cette route est si célèbre, jusqu'à ce que je fasse une recherche sur Wikipedia et que je lise aussi un article de Radio Canada. J'apprends qu'elle reliait Chicago à Los Angeles, a été inaugurée en 1926 et déclassée en 1985, après la construction de la Hwy #40. Elle a été une voie essentielle à l'expansion vers l'ouest.
Aujourd'hui, cela semble surtout être un bon filon pour attirer les touristes et on voit des enseignes de Route 66 jusque dans une station de service avec recharge électrique au milieu de nulle part: Najah's Desert Oasis à Essex. On en verra d'autres à Williams, Arizona, village dont le tourisme tourne aussi autour de la thématique de la Route 66 mais sans grand intéret pour nous sauf pour aller à la laverie faire notre lessive.
Ce que je regrette un peu c’est de ne pas avoir eu plus de temps avant de partir et durant le road trip pour faire des recherches sur l’histoire et les lieux pittoresques à voir. Mais, la vie nous a quand même amené par hasard à des lieux singuliers comme le Buzzard’s Belly General Store à côté du village fantôme de Cisco en route entre Moab et le Colorado. C’est le « no trespassing private property » écrit sur les murs d’une ruine et une grosse pancarte « cold beer » à côté de ces ruines qui ont attiré mon attention. J’avais le goût d’un café depuis un bon bout de route et je me suis dit que s’il y avait de la bière froide il devrait y avoir du café. Et c’est là qu’on est arrivé au magasin Buzzard’s Belly, tenu par une femme super sympathique qui vend toutes sortes de babioles, antiquités et quelques biscuits. On a même hésité à rentrer tellement c’était bizarre comme endroit. Le doute m’envahit quand je vois le Thermos de café mais la propriétaire me rassure qu’elle fait griller et moud elle-même son café. Ce sera mon meilleur café du road trip.
Avec la photo du film Thelma et Louise à l’entrée du magasin, je me doutais bien qu’il y avait un lien entre ce lieu et le film mais c’est seulement aujourd’hui en faisant des recherches pour cet article que je découvre que des scènes du film ont été tournées juste à côté à Cisco.
En conclusion, je dirais que voyager comme cela ce n’est pas pour tout le monde mais ce qu’il faut retenir c’est que c’est possible et qu’on peut le faire en ayant du plaisir. Par contre, est-ce que je le referais de la même façon? Probablement pas car il y a des facteurs de stress qu’on aurait pu éliminer facilement, comme par exemple si on avait eu l’internet dans l’auto ou sur le téléphone cellulaire. On peut adapter son road trip selon ses besoins et avec ce que l’on a. Ce que je retiens de cette aventure c’est un sentiment de grande liberté et une certaine fierté d’avoir fait ce voyage tout en étant en couple et un peu en marge du monde.
Pour finir, voici quelques uns des paysages traversés au fil de notre escapade routière...