· Je m'ennuie de l'effervescence et de l'ambiance de foule des villes · Mais pas du trafic incessant des taxis, auto-rickshaws, vélo-rickshaws mélangés aux piétons et même aux animaux
· Je m'ennuie de cette vie quotidienne ou tout se passe dans la rue
· Mais pas des bruits infernaux de klaxons et de la pollution de l'air
· Je m'ennuie de ces échoppes et petits stands de rue ou l'on peut boire un chaï, déguster toutes sortes de mets aux odeurs d'épices, de curry, masala qui vous chatouillent le nez · Mais pas des odeurs d'urine, de bouse de vache, de vidanges ou de fumée des pots d'échappement · Je m'ennuie de la délicieuse cuisine végétarienne si variée, épicée et peu chère
· Mais pas de l'insalubrité des cuisines, des mouches qui volent au-dessus des plats, du lavage de la vaisselle dans une eau plus que douteuse
· Je m'ennuie de la pureté, de la magie et de l'immensité des montagnes de l'Himalaya
· Mais pas de la saleté des rues des villes et de la pollution des rivières
· Je m'ennuie de la beauté des couleurs des saris, turbans et de la richesse des apparats
· Mais pas de la pauvreté dans laquelle certains vivent
· Je m'ennuie de la beauté des gens, de leurs sourires, de leur chaleur humaine
· Mais pas du harcèlement des vendeurs de rue et des chauffeurs de rickshaw
· Je m'ennuie de la sympathie des gens, de la facilité à se faire des amis
· Mais pas de la sempiternelle photo de groupe ou individuelle avec chaque membre de la famille que les gens nous demandent de prendre · Je m'ennuie de la curiosité, de la joie de vivre et des rires des enfants
· Mais pas de l'exploitation des enfants qui doivent travailler tous jeunes
· Je m'ennuie de l'ambiance des rassemblements religieux dans les festivals, les lieux sacrés, sur les Ghats du Gange
· Mais pas de l'interdiction de pénétrer dans certains temples hindous ou de la vue des bûchers et des restes humains après la crémation
· Je m'ennuie de la beauté des temples Hindous, Sikhs ou Jaïns
· Mais pas du réveil aux aurores par les haut-parleurs qui émettent musiques, chants, prières et aussi des gongs, cloches que les dévots ne se lassent jamais de faire retentir aux entrées des temples
· Je m'ennuie de ne plus voir ces sages, sâdhus ou hommes étranges qui sont partout en Inde et semblent vivre dans un autre monde et venus d'une autre époque
· Mais pas de ces babas qui se prennent pour des gourous et qui n'en veulent qu'à notre argent en échange de leur bénédiction ou d'un tika (point rouge) entre les yeux
· Je m'ennuie de la beauté des monuments, du romantisme de certains lieux
· Je m'ennuie de la sensualité des femmes quand elles marchent dans leur splendide sari, de leur pudeur en publique mais qui pourtant n'hésitent pas à montrer leur nudité quand elles se baignent dans les eaux sacrées
· Mais pas de l'attitude de la majorité des hommes qui ont des marques publiques d'affection entre eux et se tiennent souvent par la main en guise d'amitié mais qui restent distants envers leur femme ou fiancée à cause de tabous religieux et culturels
· Je m'ennuie de la beauté des paysages que l'on peut admirer des heures durant dans le bus ou le train
· Mais pas de ces trajets qui n'en finissent pas dans des bus délabrés et bondés
· Je m'ennuie de ces routes pittoresques à travers les montagnes qui se transforment parfois en chemins de terre, de gravelle
· Mais pas de l'état lamentable des routes, de ces face-à-face avec des camions, vaches ou troupeaux de moutons, ou cette conduite effrénée des chauffeurs indiens qui semblent se penser immortels
· Je m'ennuie de la bonne humeur, du sens de l'humour, de l'effort qui est fait par chacun pour accommoder tout le monde dans les bus, trains...
· Mais pas de ces conditions de transport parfois inhumaines, serrés comme des sardines dans des bus qui tombent en panne ou perdent une roue et des délais, des bouchons, des arrêts qui n'en finissent pas
Je m'ennuie de ce sentiment de liberté que j'éprouve en Inde parmi tous ces gens qui ne vivent que pour le présent parce qu'ils ne possèdent rien ou très peu alors que nous, qui vivons dans l'abondance, passons la majeure partie de notre temps à avoir peur de tout, à nous sentir en insécurité partout et à nous laisser contrôler par tous.
Inde, malgré toutes tes contradictions, je m'ennuie de toi et c'est par ces images que je peux le mieux te rendre hommage. Mais je reviendrai te voir bientôt, en novembre prochain.