Cette avant-dernière journée sera riche en rencontres et en émotions. Pour ma part, mes deux moments forts seront à l'abbaye des bénédictines et la rencontre avec Soeur Mariette.
C'est surprenant mais j'ai bien dormi dans mon lit de camp de type civière sauf que je me suis réveillée à 4h du matin à cause du bruit de la chasse d'eau de l'autre côté du mur. De toute façon on avait prévu de partir tôt, à 5h45, afin d'arriver à temps pour assister aux Laudes chantées de 7h à l'Abbaye de Ste-Marie des Deux-Montagnes. Si j'ai l'air de savoir de quoi je parle, ce n'était certainement pas le cas en ce mardi matin mais c'est ce qui est écrit dans notre Guide du pèlerin et comme je suis toujours curieuse de visiter les lieux de cultes (toutes religions confondues), j'étais assez excitée à l'idée de découvrir ce qu'étaient les Laudes.
En quittant le presbytère, on fait un arrêt au Tim Hortons pour un rapide petit déjeuner et bien sur la lecture de notre horoscope quotidien! On a bien fait car la Boulangerie d'Autrefois et la Belle Province étaient fermées. Il fait encore frais ce matin, environ 17 degrés.
On arrive juste à l'heure à l'Abbaye qui est entourée d'arbres et de beaucoup de verdure. À l'origine il s'agissait d'un monastère fondé en 1936 par une congrégation de France et c'est en 1946 que le monastère est devenu une abbaye. On est accueilli par une soeur vêtue de l'habit noir et de la collerette blanche des religieuses, qui nous conduit dans la salle ou nous pourrons écouter les Laudes.
Je me suis tout de suite sentie bien dans cette atmosphère paisible et feutrée. C'est la première fois que je pénètre dans un tel lieu de culte ou des religieuses vivent cloîtrées. Elles sont 29 à vivre ici mais toutes ne sont présentes. Notre seul contact est avec la soeur qui nous a ouvert la porte. Elle va rester à nos côtés et nous guider à travers le livret pour nous aider à suivre les paroles. Nous sommes séparés des autres religieuses qui interprètent les Laudes par une imposante grille de fer forgé. On peut à peine les voir mais nous les entendons bien.
Les Laudes sont des louanges en latin et sont l'office de l'aurore. Par ces psaumes de louanges elles rendent grâce pour le jour qui se lève. Pas facile de suivre ces prières chantées en latin sur un ton monocorde car il faut passer d'une page à l'autre, puis revenir en arrière. La soeur semble tenir absolument à nous aider à suivre sur le livret. Du côté gauche nous avons les paroles en latin et à droite en français. J'arrive à suivre par moment, puis je perds le fil et j'abandonne car je préfère écouter tout en tournant la même page que Diane qui a l'air de savoir ou on en est ou bien c'est parce qu'elle suit la soeur qui est assise à côté d'elle. Et à ma gauche il y a Hélène qui tente de suivre en regardant quand je tourne les pages de mon livret.
Les voix sont plutôt aiguës et répétitives. Cela me fait penser aux prières tibétaines dont l'effet m'emmène dans un état quasi méditatif ou contemplatif. Elles sont accompagnées par une harpe, dont nous n'entendons le son qu'à quelques reprises, pour donner le ton ou rythme aux prières, l'équivalent des cloches dans les pujas hindous ou les gongs dans les monastères bouddhistes. J'aime vraiment beaucoup ces 45 minutes que nous avons passé là, en compagnie de ces religieuses qui vivent retirées du monde.
J'aime cette atmosphère de paix et de recueillement. Pour moi c'est un des moments forts du pèlerinage et je serais bien restée encore. Mais il faut que je précise que mon enthousiasme est loin d'avoir été partagé par le reste du groupe. Après 10 minutes, ils seraient bien tous sortis...
Nous avons plus tard longuement débattu sur le sujet du rôle des Soeurs bénédictines, de leur mission comparativement aux Soeurs qui sont missionnaires. Dans la société capitaliste et matérialiste dans laquelle nous vivons, je comprends qu'il est difficile, voir impossible, de mesurer l'impact de leur mission car cela n'est pas tangible ou concret. Elles consacrent leur vie à Dieu et prient pour l'humanité. Je trouve important ce qu'elles accomplissent dans l'ombre, à l'abri des regards et des influences extérieures.
Sur le site internet de l'Abbaye, j'ai retenu cette phrase: ''Une femme qui choisit de se retirer au désert pour rejoindre dans le Cœur de Dieu, la vie, les espoirs, les luttes de ses contemporains.'' ainsi que la section Cloitrées...pour être libres! ''On nous demande souvent :Vous sentez-vous libres? -Oui! La clôture est un choix libre, elle existe pour protéger notre liberté, elle est un espace de libération, une piste d'envol, un lieu soustrait au bruit, aux agitations, à la dispersion. La clôture nous donne cette liberté voulue, ce calme, cette paix, cette zone de silence, ce cadre qu'est un monastère. Qu'est-ce qu'un monastère? Un lieu de la présence de Dieu, Dieu cherché et adoré pour Lui-même; lieu n'existant que pour Dieu, lieu habité par des personnes n'existant que pour Lui, parce qu'elles ont choisi librement de vivre ainsi et qu'elles s'y épanouissent comme l'oiseau en plein ciel et le poisson dans l'eau. Pour nous moniales, spontanément s'associent l'image du cloître et les idées de joie, d'épanouissement, de liberté, de libération spirituelle.''
Nous repartons vers 8h et nous arrivons bientôt à Deux-Montagnes. Je découvre des quartiers très riches de cette municipalité. On va passer devant des maisons imposantes. On s'arrête pour une pause café-croissant à un dépanneur.
C'est une marche agréable, qui nous fait découvrir une architecture parfois un peu excentrique, mais aussi quelques coins historiques comme un calvaire de pierre construit en 1925. On va continuer sur le bord de l'eau, puis traverser le viaduc de l'autoroute 13.
Vers 13h, Diane et moi arrivons au presbytère de l'église St-Maxime après avoir fait un détour un peu plus long que prévu car il y avait des travaux sur la Promenade des Îles.
Nous allons passer notre dernière nuit ici. Les matelas sont alignés au sous-sol. Ici encore nous pouvons prendre un bain de pieds vibrant et nous avons le luxe de pouvoir faire une brassée de lavage dans la machine à laver et d'utiliser la sécheuse.
Trois du groupe s'en vont faire quelques courses, entre autre pour acheter du vin de messe, et repérer les restaurant ou on peut commander pour emporter, car nous voulons souper tous ensemble dans la salle du presbytère pour notre dernière soirée. Je reste pour prendre ma douche et aussi relaxer.
Nous avons fait la connaissance de Soeur Mariette, ancienne missionnaire en Côte d'Ivoire et en Haïti, âgée de 72 ans, qui s'occupe des plus démunis, d'une banque alimentaire et d'une vente
bazar le jour ou nous arrivons. Elle aide aussi à la réinsertion des délinquants en leur fournissant du travail. Au moment de notre arrivée elle doit gérer une situation difficile: un
schizophrène qui a été mis dehors de son logement qui est en crise et aussi des détenus à superviser. Elle fait un travail extraordinaire, elle aide et accepte les gens tels qu'ils
sont.
À leur retour, Denis, Diane et Diane J. sont emballés. Ils sont entrés dans un restaurant libanais pour demander un pamphlet du menu et le propriétaire Mamhoud (je crois), les a reçus comme des rois/reines. Il est d'abord arrivé avec du thé, puis leur a servi gratuitement une assiette remplie de spécialités libanaises. C'est un homme extrêmement enthousiaste à chaque fois qu'il rencontre des pèlerins. On décide donc de retourner là-bas tous ensemble pour acheter notre souper. Malheureusement, quand on arrive le restaurant est déjà fermé. Je mangerai donc de l'asiatique au lieu du libanais. Mais nous avons du vin pour arroser notre repas.
Au cours de ce dernier repas, nous échangeons sur notre expérience du Chemin des Outaouais et sur ce qui nous a le plus marqué. On passe une magnifique soirée remplie de belles émotions. Depuis 11 jours, nous avons formé un groupe fantastique et ce fût en grande partie grâce à la synergie de nous six que nous avons pu vivre de si beaux moments.
Alors que nous avons fini de souper et que nous sommes en pleine conversation sur nos bilans du Chemin, nous apercevons Soeur Mariette qui se dirige vers sa voiture. Nous lui faisons signe et elle nous rejoint.
Finalement, elle va passer le reste de la soirée avec nous et la conversation sera tout à fait passionnante. Nous en apprenons un peu plus sur le travail qu'elle accomplit, sur sa façon de voir la vie, sur sa façon de vivre la religion. Elle accomplit sa mission avec très peu de moyens financiers mais une foi inébranlable dans la providence.
Cette femme est une inspiration de courage et d'amour. J'ai eu les larmes aux yeux plusieurs fois en l'écoutant. Elle est aussi une très bonne narratrice et messagère de l'évangile. Par ses paroles de sagesse, elle nous a transmis plusieurs messages importants. Elle nous a dit entre autres ces paroles : que nous ne finissions pas notre pèlerinage mais que nous le commencons.