Ce matin je n’ai pas traîné car j’avais lu sur le papier de mon itinéraire <Today is a challenging day>. Je suis donc partie à 7h30 prête pour le pire ! En commençant j’ai du traverser le ruisseau plusieurs fois, en sautant d’une pierre à l’autre, un exercice d’équilibre pour ne pas mettre le pied à l’eau qui n’est pas mon point fort. Dès le début, il faut monter modérément mais de façon continue et, dans cette petite vallée, je dois traverser plusieurs fois sur la neige. Les montagnes découpées ont laissé la place à des montagnes plus rondes de couleur ocre mais arides et sans végétation.
Une fois que l’on quitte la vallée, une ascension plus difficile de 400 mètres commence jusqu’au sommet : le col de Hanuma La, que j’atteins sans trop de peine sur l’heure du lunch. En haut, sont plantés deux larges chorten reliés par un ensemble de drapeaux de prières. Je suis gratifiée par la vue majestueuse, un panorama grandiose de montagnes aux couleurs pastel. On voit la gorge du Zanskar, les sommets enneigés de la chaîne du Ladakh et tout en bas, de l’autre côté de la vallée, le village de Lingshed, ma destination finale pour aujourd’hui. Vu d’ici il me semble à une distance tout à fait raisonnable et j’ai l’impression de pouvoir l’atteindre en une heure ou deux.
Après avoir profité de ce magnifique spectacle tout en mangeant mon lunch, j’entame la descente en zigzag d’un pied léger, mais le chemin est aride et poussiéreux. En bas, nous nous arrêtons à un premier campement pour déguster un bon chaï. D’ici, le village me paraît tout proche mais c’est négliger que dans cette région de montagne, les distances sont trompeuses à cause du relief. Il y a encore cette montagne interminable à grimper. C’est dur sur le moral car je croyais vraiment que j’étais presque arrivée alors qu’il va me falloir encore plus de 2 heures pour un total de 7h30 avant d'atteindre mon objectif du jour ! En fait, je comprends que c’était surtout une journée dure psychologiquement car le village de Lingshed me narguait depuis le sommet de Hanuma La, comme s’il était tout prêt alors qu’il jouait avec mes nerfs et se cachait à chaque détour.
C’est totalement vidée d’énergie que j’arrive au village et découvre le très beau monastère de Lingshed qui s’impose sur ma gauche. C’est avec empressement que j’accepte l’invitation à boire un chaï de ce vieux moine bouddhiste qui se tient debout devant le monastère. Je pense qu’il doit avoir pitié de moi en voyant mon air déconfit et ma tenue toute poussiéreuse. Il me guide à travers les dédales du monastère en passant par d’étroits passages et en grimpant sur une échelle pour me rendre jusqu’à sa demeure, une modeste pièce qui fait office de chambre, salon et cuisine, avec un chat pour seul compagnon. Je prends place sur le tapis en attendant que mon hôte prépare le thé. La communication est limitée par ses connaissances en anglais mais de toute façon je n’ai pas vraiment envie de parler mais plutôt de me reposer et de m’imprégner de l’ambiance de vie d’un monastère. Ayant récupéré un peu d’énergie, je me lève et salue mon hôte tout en le remerciant de son hospitalité. Cependant, à voir son insistance à ce que je revienne lui rendre visite dans la soirée ou le lendemain et à vouloir m’aider à grimper l’échelle en me tenant la main, puis en la gardant un peu trop longtemps à mon goût, il ose même jusqu’à m’effleurer la joue ! Face à ce comportement bizarre, je discerne une motivation bien plus charnelle qu’humanitaire à son hospitalité! Comment se fait-il que j’ai été aussi naïve ? Est-ce à cause de la fatigue ou de la soutane ? Pourtant j’aurais bien du me rappeler du dicton : l’habit ne fait pas le moine !
Seulement à quelques foulée du monastère, c’est avec joie que je rejoins le campement ou je vais passer les deux prochaines nuits car demain est une vraie journée de repos. Youpi! J'en ai bien besoin.