Je m'excuse auprès de tous mes lecteurs de vous avoir laissé ainsi sans nouvelles mais la mise à jour du blog était devenue trop lourde à gérer en Espagne, parceque j'avais pris du retard, que souvent j'avais accès à la wifi seulement dans les bars, donc pas le lieu le plus propice à l'écriture, enfin aussi parceque j'avais besoin de prendre du recul par rapport au Camino et que je ne trouvais plus les mots pour décrire cette expérience. Bref, j'étais en panne d'écriture!
Je vais donc commencer par la fin et je reprendrai dans les semaines qui viennent le recit de notre aventure. Pour rassurer d'abord tous ceux qui n'ont pas eu de nos nouvelles en dehors du blog, je vous confirme que Diane et moi nous sommes bien devenues officiellement des Jacquets, en arrivant à Santiago le 7 novembre 2014, et que j'ai bien reçu ma Compostella avec mon nouveau nom en latin Reginam!
Que d'émotions en cette journée d'arrivée à Santiago! Parties de Pedrouzo à 20 km sous le soleil, je marche tout d'abord un peu avec Diane, puis quelques kms avec Dirk, toujours en sandales mais il s'arrête déjeuner dans le 1er bar. Je ne suis pas mécontente de marcher seule pour méditer un peu sur ces derniers milles qu'il me reste.
Encore des eucalyptus et un très bel éclairage dans la brume matinale. Je marche un moment avec Anick et Michelle. Je suis devenue une vraie machine. Je viens de parcourir 15km sans m'arrêter jusqu'à Monte de Gozo car je n'ai pas vu les bâtons de Diane à l'extérieur des quelques bars sur ma route et ne suis même pas fatiguée. Diane finit par me rejoindre et moi qui la pensais encore loin devant! Elle avait juste oublié de laisser ses bâtons à l'extérieur du bar pour m'indiquer qu'elle s'était arrêtée prendre un café!
Monté de Gozo c'est un peu décevant. On s'arrête le temps de faire des photos devant le grand monument moderne avec la croix et aussi d'aller voir à quoi ressemble l'albergue de 400 places. Elle ressemble à un campement militaire avec des blocs de logement. On aperçoit au loin Santiago.
Arrêt lunch dans une pulperia pour manger des calamars juste avant de rentrer dans la ville. Je ne suis pas pressée d'arriver. En fait, j'aimerais retarder encore plus ce moment pour le savourer, pour vraiment prendre conscience que je suis arrivée au bout de mon rêve. J'aimerais marcher au ralenti pour que chaque pas soit gravé dans ma mémoire. On est maintenant entré dans Santiago. Les flèches nous guident jusqu'à la vieille ville. Nous sommes maintenant dans les ruelles et les panneaux pour la cathédrale font leur apparition. Je sais qu'elle n'est plus loin et pourtant aucun signe d'impatience de la voir enfin.
C'est comme si la magie opérait. On retrouve des pèlerins dans les rues, des visages connus dans une ville inconnue. Certaines personnes qu'on avait perdu de vue depuis des jours, des semaines, des personnes à qui nous avons seulement dit: Holà! Buen Camino! mais des dizaines de fois. Et d'autres avec qui il y a eu plus d'échange. Mais en cet instant nous partageons tous la même joie, la même satisfaction. Pas besoin de mots pour comprendre ce que l'autre vit.
Finalement, une flèche surgit au bout d'une ruelle. Je la reconnais et les battements de mon cœur s'accélèrent. Quand on arrive devant elle, malgré les travaux de rénovations qui empêchent de voir l'ensemble de sa façade, l'émotion est forte. Les larmes, la joie, les rires se mélangent! Il est environ 14h et nous sommes arrivées à destination!
Ensuite s'ensuivront tous les rituels du pèlerin. La visite au bureau des pèlerins pour l'obtention du document qui officialise que nous avons complété notre pèlerinage: la Compostella. Durant l'attente, d'autres retrouvailles: Jean-Marc, Vicente, et bien sur notre groupe des derniers jours: Anick, Michelle, Dirk, etc. On ira aussi chercher une autre Compostella, toute spéciale pour célébrer les 800 ans du pèlerinage de St François d'Assise.
On visitera bien sur la cathédrale, ou nous déposerons nos intentions de prières pour nos proches et celles que nous avons transportées depuis la cathédrale du Puy. J'ai prié pour Anne-Claire, cette inconnue, pour qu'elle guérisse de l'aneuréxie. On ira donner l'accolade à la statue de Saint-Jacques ainsi que nous recueillir sur la tombe de l'apôtre comme le veut la tradition.
Enfin, le soir nous assisterons à la messe et retrouverons avec joie encore d'autres pèlerins: Isabelle que nous connaissons depuis le début en France, Jean-Pierre l'Allemand, Byounghoon le Coréen qui sourit toujours, le couple Hollandais qui ont marché depuis chez eux, Kevin l'Arizonien qui marchait et courait en sandales, Anick qui venait d'un village voisin de ma ville natale et son amie Michelle qui ont marché depuis le chemin d'Arles, etc. On a la chance de voir le botafumeiro en action, cet énorme encensoir de 53 kilos, suspendu à 20 mètres et tiré par 8 hommes qui traverse les transepts de la nef à toute allure. Il passera juste à côté de nous. Quel spectacle! Et encore des émotions!
Nous finirons la soirée dans un restaurant avec un groupe de pèlerins, en majorité des Français, pour un dernier repas, car déjà c'est la fin et demain la plupart repartent chez eux.
67 jours pour parcourir plus de 1500 km, de 15 à 30 km de marche par jour. Au-delà des chiffres, de toutes ces heures, ces jours, ces kms à marcher, au-delà de l'exploit physique, de l'émotion, que représente ce chemin maintenant? Je suis arrivée à destination et pourtant une partie de mon être ne veut pas croire que c'est déjà fini. Je n'ai pas le sentiment d'avoir terminé. Depuis quelques jours, l'idée de continuer à marcher a germé. Plus je m'approchais du but plus je sentais l'envie de poursuivre jusqu'à l'océan, jusqu'au bout de la terre car le chemin continue jusqu'à Fisterra et même un peu plus loin Murcia. Diane était prête à raccrocher ses bottes et ses bâtons et à prendre l'autobus jusqu'à Fisterra comme initialement prévu, mais nous avons encore 5 jours devant nous avant de prendre l'avion. Ça y est, c'est décidé, je continue à marcher! Le chemin m'appelle. Diane qui ne partage pas mon enthousiasme décide de continuer elle aussi.